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Je suis une femme trans.

Dans une société comme la mienne, je suis intrinsèquement marginalisée, ostracisée, opprimée.

Dans une société qui évolue comme la mienne, où le capitalisme – et son meilleur pote, le fascisme – deviennent de plus en plus prégnants, les premières questions que je me pose sont les suivantes :
« Dans quel camp serais-je parquée ? À quel endroit serais-je fusillée ? »

Peut-être que vous avez la chance de vivre sans ces tourments. Peut-être que vous ne vivez pas d’oppression, ou que vous ne pensez pas en vivre. Mais mon quotidien en est constellé.

Chaque jour de ma vie, je souffre.

Je souffre (entre autres) de transphobie. Je souffre parce que je suis transgenre.
Pour cette unique raison, les personnes que je peux croiser au quotidien deviennent mes bourreaux.
Périodiquement, des gens vont me cracher dessus, m’insulter, me frapper, souhaiter ma mort.
C’est parfois plus insidieux : refuser de me délivrer un colis, refuser de me procurer des soins médicaux, difficultés à trouver un logement, isolement social. Tout ça aussi, c’est mortel.

C’est pourquoi je ne reste pas seule. C’est pourquoi je milite avec des gens comme moi.
Parce que je ne suis qu’une personne trans parmi des milliers d’autres.

Mais au final, une personne ou des milliers, c’est semblable.
La haine qu’on nous voue est systémique. C’est une société complète qui nous déteste.
Nous luttons ouvertement depuis des dizaines d’années, nous avons gagné des droits et nos souffrances sont de plus en plus visibles et intolérables. Nous avons glané des allié⋅e⋅s.

Néanmoins la haine envers nous ne diminue pas, elle reste stable. Moins de gens y participent, mais c’est insignifiant. Tout comme nous le sommes pour elleux… insignifiant⋅e⋅s.

Ma réponse, et, je l’espère, notre réponse, sera l’indolence, la désobéissance, le sabotage, la rébellion, l’insurrection. Parce que je ne tolère plus le bruit des bottes ou le silence des pantoufles.

Ma réponse est l’organisation, celle de m’allier avec mes adelphes. Celle de faire mûrir nos propos, les diffuser et in fine, s’attaquer à la racine de nos maux.

Non ! Je n’entrerai pas dans la servitude. Pas plus que dans l’assujettissement.

Personnellement, je refuse de faire des démarches légales, un changement de mention de genre ou de prénom⋅s en mairie, qui mèneront à un inventaire des minorités que nous sommes.
Le recensement des personnes racisé⋅e⋅s est illégal en France ; ne leur donnons pas de quoi le pratiquer sur nous. Dans une société informatisée, il est simpliste de nous lister puis nous traquer.
Cela dit, de par mes démarches médicales, des données existent déjà quant à ma transition. Réduisant ainsi la portée de l’acte militant du rejet de la mise en conformité de mon l’État Civil.

Je refuse de policer et d’adapter mon discours pour ne pas érafler l’ego fragile des oppresseurs ou des pseudo-allié⋅e⋅s. (Iels ne peuvent pas imaginer nos vécus, comment pourraient-iels le comprendre ?)
Le faire réduit drastiquement et indéniablement la portée de notre militantisme.
Nous n’avons pas besoin d’allié⋅e⋅s, nous sommes assez fort⋅e⋅s pour nous émanciper nous-même.

Mais ça passera par la destruction du capitalisme, du patriarcat, du validisme et du racisme.

Nous devons nous réunir pour mieux agir et avoir un prisme de lecture du monde matérialiste pour s’attaquer aux fondements de nos oppressions.
Sans ces deux prérequis, l’individualisme nous divisera et laissera place à la haine pure de la part de nos oppresseurs, qui finiront par nous tuer indirectement… ou frontalement.

Émelyne, meuf trans vnr.

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