— C’est moi que vous regardez ?

— … Vous me le faites mon café ?

— Ouais-ouais.

« Il pleut, c’est le seul endroit ouvert à l’horizon et ce serveur semble être la personne la plus courtoise avec laquelle j’ai discuté depuis des semaines » me dis-je intérieurement, acerbe.

Je me dirige vers une chaise, le plus loin possible de la porte d’entrée et de la vitrine. Pas envie d’être vue. Faut dire que les humains d’ici n’ont pas l’habitude des gens comme moi… Ou alors ils sont cruels volontairement, je ne sais pas.

Mon esprit me happe, je pense à mon interminable voyage, à ma solitude. J’ai moins mal depuis l’opération mais, les jours de pluie, je me sens toujours bizarre, comme si mon dos était grippé, moins souple. Ce serait probablement mieux si je pouvais en parler au chi­rurgien, mais j’ai choisi de partir, quoi qu’il en coûte.

— Vous comptez rester longtemps ? me demande soudainement le serveur, un peu crispé.

— Pas tant, dès que la pluie sera calmée j’irai chercher un hôtel. Vous pouvez m’en conseiller un ?

On ne sait jamais…

— Ouais, y’en a un en périphérie de la ville. Quai Poey. Le long de la rivière.

— Merci bien.

C’est très surprenant qu’il m’aide alors qu’il semblait dégoûté tout à l’heure. Au moins j’ai une piste pour pas me retrouver à la rue, au pire j’ai le temps de me retourner. Il n’est que 15 heures.

En buvant mon café tiédasse la solitude m’emplit d’un coup ; comme j’aimerais ne plus être seule, avoir des gens sur qui compter, être aimée. Ce genre de pensées surgissent régulièrement depuis quelque temps ; sûrement des alertes de mon subconscient pour m’avertir que je vais bientôt craquer si rien ne change. Mais ai-je vraiment le choix ? Je ne peux pas décemment aller vers quelqu’un et lui demander d’être mon ami… Les relations sociales ne fonctionnent pas comme ça et j’en sais quelque chose.

Ne me reste en bouche que l’amertume de la vie, mêlée à celle du café. J’aurais dû prendre un jus de fruit ou un chocolat chaud bien sucré. Mon café était définitivement fini. Mais pas cette journée.

Je relève doucement la tête pour trouver ce maudit serveur du regard. Forcément, il est derrière son comptoir à se morfondre, il n’a probablement eu que moi comme cliente cet après-midi. Cette ville ne semble pas très active, en tout cas à cette heure-là. La pluie a cessé, je vais pouvoir en savoir plus sur cet hôtel « près de la rivière ».

En partant je dépose quelques pièces sur le comptoir.

— Voilà vos 4 gon pour le café.

— Merci, au revoir.


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